Le métier d’enseignant au Québec.
J’écris cet article de blogue, car je suis interpellé par l’état des choses dans le système d’éducation québécois. Pour moi, une éducation de qualité est importante pour la bonne santé de notre société. Suite aux commentaires du ministre Bolduc je tiens à exposer mon opinion en tant que prof de danse, de psychoéducateur et aussi de parent.
Commençons pas le nombre d’élèves dans un cours
J’aimerais commencer par répondre aux affirmations du ministre Bolduc qui a dit ceci: « il n’y a aucune étude qui démontre qu’augmenter le ratio des élèves affecte leur réussite »
Premièrement, c’est faux! Tout d’abord les études existent et leurs conclusions abondent vers le gros bon sens : plus t’as du monde dans une classe plus cela affecte le taux de réussite. Voici un article de Vincent Marissal, de LaPresse qui appuie mes propos
Pour faire un parallèle avec notre école de danses latines, voici deux exemples:
Premièrement quand on offre un cours particulier de salsa, l’étudiant apprend beaucoup plus vite. Un ratio 1 pour 1 est l’ultime ratio pour ajuster la vitesse de transfert de la matière au rythme de la personne.
Deuxièmement, plus on augmente le ratio dans nos cours, plus on risque d’avoir des plaintes. Aussi, nous avons même fait des tests à savoir quel est le ratio confortable pour nos clients et nous prenions en compte toujours leurs commentaires. Dans le cas d’une augmentation de ratio dans les classes du Québec… les clients, ici les élèves, n’ont pas de voix et ne peuvent se plaindre et donc la question que je me pose : c’est quoi la limite sensible de ratio profs élèves avant que l’apprentissage en souffre?
Un autre argument avancé est une insulte pour n’importe quelle personne avec un QI de 5… voici une autre citation du Ministre Bolduc… »On veut augmenter le ratio de 2 à 5 élèves pour avoir plus de flexibilité…. Dans certains cas nous allons diminuer le ratio » dit-il… Sérieusement qui croit que même dans certains cas il y aura une diminution de ratio levé la main!!! Sérieusement!!!
Voici une citation de mon moi-même.. « Il n’y a aucune étude qui démontre que cacher son programme politique pendant une compagne électorale ce n’est pas bon »…en plus, il n’y a aussi aucune étude qui démontre que si je dirigeais ma compagnie de danse comme nos dirigeants dirigent le gouvernement et bien je ferais faillite en quelques semaines.”
La jalousie envers cette profession.
Ça fait plus de 15 ans que j’enseigne la danse. Mais avant d’avoir fondé l’école de salsa Baila Productions… j’ai fait une formation de Psychoéducation et à la sortie du BAC j’ai pris quelques contrats de remplacement dans une école assez rock’n’roll à Pierrefonds. Je peux vous dire que c’était vraiment tuff même avec mes années de formations et mes 10 ans d’expérience en animation dans des camps de jour. Je savais que je n’étais pas fait pour enseigner dans une école primaire. Pas parce je n’aimais pas l’enseignement, mais c’est plutôt la gestion de classe qui tue. Et même avec 1 mois et demi de vacance cela n’est pas suffisant pour accepter la réalité de l’enseignant. Surtout que dans plusieurs cas, ils font en plus du bénévolat la fin de semaine et ils travaillent sur leurs heures de diner.
Ah oui!!! Et pour ceux qui pensent encore que les profs font le gros $$$ Voici leur échelle salariale… à 35-40 ans tu as plafonné… fini les augmentations! Et cela avec 4 ans de BACC et aucune heure supplémentaire payée. Pour ceux qui pensent que leur horaire c’est la cloche… détrompez-vous!!! 6 jours de maladie et ils se paient presque tout seul leurs avantages sociaux (ouin… pas de dentiste ni optométriste… c’est pas grand chose!) contrairement à 80% des entreprises québécoises où l’employeur verse 50% ou plus de la prime. A titre informatif voici l’échelle salariale des profs
Pour régler le travail bénévole, je propose la ‘Punch Card’ quand tu travailles tu es payé: un point c’est tout.
L’intégration massive d’élèves en difficulté
Quand le gouvernement propose l’intégration, il parle souvent en fonction des élèves en évoquant des arguments moraux du type c’est bon pour les élèves en difficulté d’être dans une classe dite normale. Et bien la réalité est toute autre. Les élèves en difficulté ont besoin plus de support et d’attention qu’un élève autonome qui suit une courbe normale. Le ministre Bolduc veut aussi un remaniement des cotes d’évaluation qui donnent la possibilité aux parents d’avoir des services de soutien en classe.
Prenons par exemple un cas réel… Sandra (nom fictif) a 20 élèves dont 3 ayant des problématiques qui passent d’un trouble d’agressivité allant jusqu’à l’autisme. Elle a dans sa classe 2 éducatrices qui s’occupent de 2 de ces enfants. Le 3e n’a pas de service, car les parents ne souhaitent pas le faire évaluer… Ça, c’est 3 cas dits lourds. On ne compte pas les hyperactifs, les troubles de comportements et j’en passe. Disons que le tier de la classe a des problématiques qui nécessite l’intervention de spécialistes en psychologie, et ce de manière soutenue. Pendant qu’il y en a un qui crie à tue-tête et que l’autre mange des crayons et des gommes à effacer, on demande aux profs d’enseigner à écrire… Quand je dis il mange des crayons, je ne blague pas il mange des crayons au complet.
Pour ceux qui pensent qu’on n’a pas d’argent pour se payer tout ça… Je réponds et bien vous avez raison… En fait ça ne sera jamais assez pour se payer l’éducation que l’on veut vraiment. Il faut choisir ou l’on met nos sous et moi je choisis l’éducation de nos enfants;)
Aussi, pour ceux qui pensent que les profs l’ont facile et bien si les conditions étaient si hot il n’y aurait pas un aussi gros taux de roulement et cette job n’aurait pas un des plus gros taux de burn-out. Houlfort et Sauvé (2010) concluent qu’un enseignant sur cinq travaille dans un état de détresse psychologique, soit près du double de ce que l’on trouve dans la population en général, et près de 60% des enseignants éprouvent des symptômes d’épuisement professionnel au moins une fois par mois.
Triste tout ça, car c’est les jeunes qui payeront en fin de compte….
Qu’en pensez-vous?
Ilias Benz
Directeur de l’École de Salsa Baila Productions inc.
www.bailaproductions.com
Je partage entièrement ton opinion Ilias. Je ne suis pas enseignante bien que c’était mon projet de carrière dans la jeune vingtaine. J’ai essayé et me suis rendue à l’évidence que ce n’était pas fait pour moi. La gestion de classe… Non Merci! Trop lourd, trop d’enfants, trop peu de temps à leur consacrer à chacun. Aujourd’hui, je travaille avec la population en difficulté également et je vois bons nombres de cas d’enfants avec des problématiques particulières que les classes régulières ne peuvent encadrer. Lorsqu’ils y sont, ils vivent parfois du rejet, de l’intimidation… Est-ce que c’est vraiment mieux? Je ne crois pas. Et les profs… Ouf! ils font ce qu’ils peuvent et pour la plupart, ils travaillent fort. Je suis entourée d’enseignants, je les entends parler du p’tit untel qui ne va pas bien, de la famille de l’un qui s’effondre, des comportements agressifs de l’autre qui est sorti de classe la majeure partie de la semaine. Ils sont concernés par ces enfants. Avec le projet gouvernemental, ils sont aussi maintenant consternés, désillusionnés, déçus, alarmés et je les comprends…
Quelle connerie! tout ça pour sauver des $$$. Le gouvernement sauvera des $$$, mais perdra ses meilleurs outils pour faire grandir nos enfants en bons citoyens. Le temps alloué pour la créativité = fini! faire naître le rêve, sollicité l’imaginaire de nos enfants… Pas le temps! Pas le budget! Et L’intimidation, aura-t-on le temps de voir ce qui se passe???
J’ai peur pour la génération qui sera issue de se faux prétexte d’austérité… Qu’auront-ils reçus en héritage?
J’appuie les profs à 250% (et je en fais aucune coupure dans mon appui).
Merci Catherine pour ton commentaire et surtout pour la perspective de ta profession tout aussi importante 😉
Merci pour ce bel article! Il en faudrait plus comme celui-là pour mettre l’opinion publique de notre côté.
Nathalie Tessier, enseignante au primaire et danseuse de salsa
Merci pour le commentaire Nathalie 😉 C’est important que les gens comprennent qu’être prof ce n’est pas une job mais une vocation et qu’en ce moment nous sommes en train de brûler beaucoup d’excellent enseignant ;(
Ilias
Les pays qui ont compris que leur progrès passe par le développement de la « matière grise » dans le système de l’éducation et cela depuis plusieurs années, comme par exemple le Japon, Israël et la Corée du Sud pour ne citer que ceux-là et un des facteurs de réussite est le nombre d’élèves par classe :
Selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO le ratio élèves par enseignant au primaire au Japon est le suivant :
En 2003 le ratio était de 19.6
En 2012 le ratio était de 17.1
En Israël
En 2003 le ratio était de 13.2
Et en 2012 il était de 12.5
Nous constatons que le ratio du nombre d’élèves par enseignant a diminué au fil des années.
Par conséquent, Monsieur Yves Bolduc, Ministre de l’Éducation du Loisir et du Sport va à contre courant en voulant ajouter des élèves par classe.
1- UNESCO : Organisation des Nations Unis de l’Éducation, de la Science et de la Culture
2 – http://www.uis.unesco.org/DataCentre/Pages/country-profile.aspx?code=3920®ioncode=40515&SPSLanguage=FR
3 http://www.uis.unesco.org/DataCentre/Pages/country-profile.aspx?code=ISR®ioncode=40500
Djamal Benzeguir
les chiffres parlent d’eux-mêmes 😉